Ouvrage collectif sous la direction de Pierre Dufresne, Novalis, 1986, 223 pages, paperback
Combien d'entre vous, lecteurs et lectrices, saviez que le Canada a pris part à la décision de larguer les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, et à fournir l'uranium nécessaire à leur construction? Combien, que nous avon eu des armes nucléaires basées sur notre sol jusqu'en 1984? Combien, qu'une partie du napalm utilisé au Vietnam a été fabrique au Québec, à Valleyfield? Et combien savent que des systèmes de surveillance fabriqués par IBM à Bromont équipent actuellement les deux principaux centres de détention et de torture du Chili?
Nous avons les mains sales depuis longtemps. Entre 1960 et 1976, le Canada a dépensé plus de 35 milliards $ à fins militares, se situant au 8e rang mondial. Nous sommes bel et bien entrés dan le club international des vendeurs d'armes, surtout aux États-Unis, mais aussi de plus en plus aux pays du Tiers Monde.
Le titre de ce livre, en faisant allusion aux Béatitudes de l'Évangile: "Heureux les artisans de paix: ils seront appelés enfants de Dieu" (Matthieu 5,9), met en valeur une optique qui est à la fois chrétienne et orientée vers l'action. Le travail d'une vingtaine de femmes et hommes de compétence reconnue, qui oeuvrent pour la paix, il comprend des essais sur divers aspects du mouvement pour le désarmement et la paix (l'implication du Canada dans la production du matériel militaire, la mesure de la dépendence de notre politique de défense sur celle des États-Unis, la relation entre les rivalités Est-Ouest et la colonisation économique du Sud par le Nord, la manipulation de l'opinion publique par les médias, etc.), and sur les bases judéo-chrétiennes de ce mouvement.
Ce livre sera d'un grand intéret tant pour les non-chrétiens que pour les chrétiens. On y trouve tous les faits nécessaires pour l'éducation du grand public en ce qui concerne la course aux armements et la dépendance croissante du Canada sur la politique des E.-U.
L'article de Monique Dupuis nous offre une analyse claire et compréhensible des rôles joués par l'OTAN, le NORAD, et le DPSA (l'accord de partage de la production de defense) dans la limitation de notre souveraineté. Gilles Provost nous fait regarder de plus prés "l'expansionnisme soviétique", et les vertus du monde libre. "Développement et Paix" tire au clair les liens entre la course aux armements et l'oppression économique et militaire du Tiers Monde. Comme dit très simplement Jean-Claude Ravet, il faut "refuser de prendre les armes de l'injustice pour défendre la justice, sachant que le mal ne conduit pas au bien" (p. 164). Voici Odette Mainville qui parle: "Il y a quelque chose d'extrémement dynamique dans cette béatitude: on no peut se contenter d'eviter la guerre, il faut promouvoir la paix. Car l'inertie de celui qui se contente de ´souhaiter la paix' laisse inévitablement la voie libre à la propagation des volontés ambitieuses bu belliqueux." A Jean-Francois Beaudet d'ajouter: "Dans les situations inacceptables d'oppression, d'injustice ou de menace de génocide nucléaire, la force de l'amour devient résistance active et engagement dans la lutte non violente pour la transformation sociale" (196). C'est Julien Harvey qui nous parle de la possibilité d'une défense non violente par résistance civile et non-collaboration avec un envahisseur, perspective qui parâit beaucoup plus attrayante que l'hiver nucléaire décrit page 27. Son intéressant essai nous démontre à quel point la théorie de la guerre juste d'après St Augustin et St Thomas d'Aquin avait marginalisé les pacifistes.
Deux petites objections. Jeanine Gauthier a beau dire que les femmes ont un souci prioritaire pour la vie, il y a bien des femmes qui l'oublient, ce souci, surtout quand elles arrivent, comme Maggie Thatcher, aux sommets capiteux du pouvoir. Ce qu'il nous faut, c'est une société qui, prévoit-elle, éduquera les hommes autant que les femmes de demain à développer un esprit et un désir de paix. Par ailleurs, je trouve "Jeunesse du Monde" un peu trop prêt à se poser en juge quand il parle de jeunes qui "se réfugient dans un monde d'anarchie (par example, les modes excentriques) ou dans un monde de musique rock qui devient comme une espèce de drogue pour l'esprit" (212). Si les auteurs écoutaient attentivement les mots de certains chants, s'ils voyaient les jeunes habillés et coiffés de façon bizarre qui déambulent dans les marches pour la paix, ils verraient peut-être que ces mêmes jeunes sont aussi penchés vers la paix, aussi opposés au militarisme qu'eux-mêmes, bien qu'ils le montrent de façon differente. Ce sont de telles méfiances et de tels jugements qui ménent à un monde divisé entree "nous, les bons, défenseurs de la liberté et de la démocratie" et "eux, les méchants, dictateurs de régimes totalitaires" (37).
Ceci dit, on trouve dans "Jeunesse du Monde", autant que dans les autres contributions à Artisans de Paix, maintes suggestions d'activités, maintes addresses de mouvements pacifistes, maintes questions propres à promouvoir une action concertée pour la paix -- remplissant pleinement les promesses du titre de l'ouvrage. Sa lecture pousse cette lectrice-ci à faire sa propre suggestion d'action possible: la traduction réguliere du Ploughshares Monitor, ou la création d'un bulletin semblable en français. Ce serait une contribution majeure à la formation d'une opinion publique informée qui aiderait la communauté francophone de notre pays à changer une politique qui risque de nous anéantir tous.
Peace Magazine Feb-Mar 1987, page 37. Some rights reserved.
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